Avant même de l’avoir ouvert, je m’était coupé sur les pages. L’ouvrage plutôt lourd que je tenais avait maintenant une petite tache de rouge sur sa tranche. — Eh bien, ça c’est bon présage, plaisante Eni. C’est quoi ce bouquin ? "Le petit livre" ? Ironique. Ça parle de quoi ? — Pour l’instant, rien. C’est un livre vierge. Je pensais écrire une histoire. — Quand est-ce que tu vas trouver le temps d’écrire un bouquin ? Bonne question. Pourquoi pas maintenant ? La cariole nous ballote un peu, mais ça ira. Au pire, j’achèterai un autre livre quand nous reviendrons pour tout réécrire au propre. Et nous avons du temps avant d’arriver de toutes façons. Alors je sors un crayon et je commence à écrire. Au commencement il n’était rien, sauf Omu et Ume. Omu voulait créer, mais ne savait pas par où commencer. Ume savait, mais jetait tous ses brouillons. « Tu devrais garder ça » lui dit Omu. « Je ne sais pas si ça marchera. » « Tu ne sauras pas si tu ne le laisses pas être un peu. » Alors
Je me tiens sur le bord, la mer de nuages en face de moi. Un grand vent frais ébruisse doucement mon visage, charriant l’odeur de l’herbe humide des autres îles. À des lieux au-dessus de la terre ferme, les massifs flottants offrent un refuge unique. Chaque morceau dérive à son rythme, monolithe de terre et de végétation. Parfois un sursaut le fait remonter, il offre le soleil à ses paisibles habitants ; des graminées, quelques arbres, une famille de lapins retrouvée là on ne sait comment. Puis il redescend, caresse les nuages, plonge son petit monde dans la brume de l’indécision. Mon îlot fait précisément cela, et l’air s’alourdit, humide mais toujours frais. Peu à peu mes vêtements s’imbibent et me collent à la peau. J’entends quelque chose craquer au loin alors que mon visage est fouetté d’embruns. Tombe l’île, jusque sous les nuages, qui laissent échapper une bruine qui renforce la senteur du gazon. Les odeurs de la terre commencent à remonter aussi, et je me souviens des
L'Histoire du monde, livre 3 : la bravoure by MorganVonBrylan, literature
Literature
L'Histoire du monde, livre 3 : la bravoure
Livre de la bravoure
La fin du monde
Auparavant, la Couleur était cachée aux yeux des mortels et des dieux, et le monde était gris. Puis Notre Parent trouva la Couleur et la donna au monde. Le monde gris périt, incapable de comprendre la Couleur.
Alors Notre Parent dépeça le monde. De sa chair et de ses muscles il fit un tambour d’énergie pure, qui brûlait quiconque en entendait le son. Des nerfs et du cerveau il fit une cithare d’intelligence, qui pouvait endormir ou réveiller quiconque l’entendait jouer. Enfin, des os il fit trois flûtes colorées qu’il attacha
« Gavda gratuit pour tous mes hôtes. » Tel se targuait l’étape Drynn dans une tentative d’attirer des clients malgré sa position éloignée de toutes les routes habituelles. Sa Gardienne, Oranne, avait bien conscience que son nœud n’avait aucune importance dans le sub-espace et ne valait pas un saut. Il ne comportait ni ressources rares ou importantes, ni n’était sur la route d’un nœud plus riche. Le nœud 220 était plutôt loin de tout, et une étape n’y avait été ouverte que par principe. Quand l’univers s’est fracturé et qu’il fallut construire des étapes pour permettre aux voyageurs d’aller de nœud en nœud, et nommer des Gardiens pour s’assurer de leur protection, Oranne, petite dernière, dut se contenter des restes. Mais dans le nœud 220 se trouvait une forêt, et dans cette forêt, Oranne avait trouvé un coin à fleurs de gavdine, principal ingrédient d’un mets rare et très recherché. Elle commença à en faire, et en quantité surprenante, surtout considérant le fait qu’elle était seule et
Avant même de l’avoir ouvert, je m’était coupé sur les pages. L’ouvrage plutôt lourd que je tenais avait maintenant une petite tache de rouge sur sa tranche. — Eh bien, ça c’est bon présage, plaisante Eni. C’est quoi ce bouquin ? "Le petit livre" ? Ironique. Ça parle de quoi ? — Pour l’instant, rien. C’est un livre vierge. Je pensais écrire une histoire. — Quand est-ce que tu vas trouver le temps d’écrire un bouquin ? Bonne question. Pourquoi pas maintenant ? La cariole nous ballote un peu, mais ça ira. Au pire, j’achèterai un autre livre quand nous reviendrons pour tout réécrire au propre. Et nous avons du temps avant d’arriver de toutes façons. Alors je sors un crayon et je commence à écrire. Au commencement il n’était rien, sauf Omu et Ume. Omu voulait créer, mais ne savait pas par où commencer. Ume savait, mais jetait tous ses brouillons. « Tu devrais garder ça » lui dit Omu. « Je ne sais pas si ça marchera. » « Tu ne sauras pas si tu ne le laisses pas être un peu. » Alors
Je me tiens sur le bord, la mer de nuages en face de moi. Un grand vent frais ébruisse doucement mon visage, charriant l’odeur de l’herbe humide des autres îles. À des lieux au-dessus de la terre ferme, les massifs flottants offrent un refuge unique. Chaque morceau dérive à son rythme, monolithe de terre et de végétation. Parfois un sursaut le fait remonter, il offre le soleil à ses paisibles habitants ; des graminées, quelques arbres, une famille de lapins retrouvée là on ne sait comment. Puis il redescend, caresse les nuages, plonge son petit monde dans la brume de l’indécision. Mon îlot fait précisément cela, et l’air s’alourdit, humide mais toujours frais. Peu à peu mes vêtements s’imbibent et me collent à la peau. J’entends quelque chose craquer au loin alors que mon visage est fouetté d’embruns. Tombe l’île, jusque sous les nuages, qui laissent échapper une bruine qui renforce la senteur du gazon. Les odeurs de la terre commencent à remonter aussi, et je me souviens des
L'Histoire du monde, livre 3 : la bravoure by MorganVonBrylan, literature
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L'Histoire du monde, livre 3 : la bravoure
Livre de la bravoure
La fin du monde
Auparavant, la Couleur était cachée aux yeux des mortels et des dieux, et le monde était gris. Puis Notre Parent trouva la Couleur et la donna au monde. Le monde gris périt, incapable de comprendre la Couleur.
Alors Notre Parent dépeça le monde. De sa chair et de ses muscles il fit un tambour d’énergie pure, qui brûlait quiconque en entendait le son. Des nerfs et du cerveau il fit une cithare d’intelligence, qui pouvait endormir ou réveiller quiconque l’entendait jouer. Enfin, des os il fit trois flûtes colorées qu’il attacha
« Gavda gratuit pour tous mes hôtes. » Tel se targuait l’étape Drynn dans une tentative d’attirer des clients malgré sa position éloignée de toutes les routes habituelles. Sa Gardienne, Oranne, avait bien conscience que son nœud n’avait aucune importance dans le sub-espace et ne valait pas un saut. Il ne comportait ni ressources rares ou importantes, ni n’était sur la route d’un nœud plus riche. Le nœud 220 était plutôt loin de tout, et une étape n’y avait été ouverte que par principe. Quand l’univers s’est fracturé et qu’il fallut construire des étapes pour permettre aux voyageurs d’aller de nœud en nœud, et nommer des Gardiens pour s’assurer de leur protection, Oranne, petite dernière, dut se contenter des restes. Mais dans le nœud 220 se trouvait une forêt, et dans cette forêt, Oranne avait trouvé un coin à fleurs de gavdine, principal ingrédient d’un mets rare et très recherché. Elle commença à en faire, et en quantité surprenante, surtout considérant le fait qu’elle était seule et